Le rideau tombe sur l’Agrocité à Colombes. Menacée d’expulsion depuis deux ans pour y construire un parking de 182 places, la ferme urbaine de la rue Jules-Michelet a finalement été délogée… par la force. Sur ordre du préfet, ce lundi matin, un huissier, accompagné des forces de l’ordre et d’une entreprise prestataire, « a fait inventorier le matériel présent et l’a déménagé à Gennevilliers ».
Sans avoir prévenu ni l’AAA (Atelier d’architecture autogéré) qui gère la ferme urbaine, ni les habitants, ni Gennevilliers qui doit accueillir la structure. Cela fait suite à une décision du Conseil d’Etat prise en octobre, qui avait tranché en faveur de la mairie (LR), à l’origine d’une procédure d’expulsion. « C’est une très bonne chose de faite, dans une affaire qui n’avait que trop traînée, se félicite la maire (LR) Nicole Goueta. Nous ne sommes pas à Notre-Dame-des-Landes et, ici, les décisions de justice sont appliquées ».
« C’est encore un mauvais coup de la mairie, qui choisit le passage en force »
Sauf que l’AAA n’avait pas prévu de partir de sitôt. « Nous étions en train de préparer la relocalisation, avec un travail social mené avec les habitants de Colombes et de Gennevilliers. Et la mairie décide de venir tout détruire comme ça sans prévenir… C’est un scandale », tonne Constantin Petcou, responsable de l’association. Le gérant ne comptait plier bagage qu’à partir du mois de mars, le temps notamment de trouver les financements pour le déménagement à Gennevilliers.
« C’est encore un mauvais coup de la mairie, qui choisit le passage en force. Personne n’a été prévenu, ils voulaient faire cela en catimini » dénonce le député (PS) Alexis Bachelay. Un choix assumé par la municipalité, qui tenait à ce que l’expulsion soit faite un lundi matin « dans le calme » pour « éviter un grand rassemblement ».
« On s’y attache aux poules vous savez, c’est très brutal »
Du côté des habitants, la nouvelle cause des émois. Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées, à l’appel de l’AAA, ce lundi en fin d’après-midi devant le jardin partagé pour dénoncer les « méthodes de sauvage employées par la mairie ». Une poignée d’entre eux, emmenés par Constantin Petcou, se sont même rendus à pied à la mairie pour « montrer leur détermination ». « On ne s’attendait pas du tout à ça. Il y avait un accord avec Gennevilliers pour un déménagement en mars, où était l’urgence », s’interroge Benoît, qui « s’inquiète » du sort de ses légumes et de ses poules. « Ils ont tout saccagé ! Ce n’est pas un déménagement, mais une destruction », tance un jeune du quartier.
Plusieurs dizaines de soutiens se sont rassemblés en fin d'après-midi. (LP/V.T.)
Le regard dans le vide, Gislaine Benafekir, assise sur les marches à l’entrée de l’Agrocité, est encore choquée. La retraitée était venue comme chaque matin donner à manger aux poules. Mais à son arrivée elle a été « accueillie par la police qui ne m’a pas laissé entrer, témoigne-t-elle. Les poules étaient déjà parties… ». Elle qui se dit « très mal » fond en larmes. « On s’y attache aux poules vous savez, c’est très brutal », déplore Gislaine, avant de laisser éclater sa colère. « Ce sont les gens dans le besoin qui vont souffrir. Ils venaient ici chercher du réconfort. Nous étions une vraie famille ! »
A Gennevilliers, l'accueil dans l'urgence
Ils sont tombés de leur chaise. Le déménagement de la ferme urbaine vers Gennevilliers est acté depuis longtemps - Colombes étant réticent à offrir un autre terrain - mais rien n’était prévu pour réceptionner les cartons dès ce lundi. « Nous n’étions absolument pas au courant. Nous avons reçu un appel le matin même pour nous prévenir, râle-t-on à la mairie (PCF). Rien n’est prêt, nous n’avons eu aucune réunion de travail avec l’AAA… ».
Le terrain prévu rue Jules-Verne pour accueillir l’Agrocité n’étant pas encore disponible, il a fallu trouver une solution d’urgence. Un pavillon, au 9, rue des Collines, avec un double hangar, a été mis à disposition par la ville. « Nous ne voulons pas polémiquer. Notre objectif est pour le moment de sauver la structure pour la réutiliser, et préserver l’avenir », tempère-t-on au cabinet du maire. Les poules, elles, ont été confiées à la SPA de Gennevilliers pendant huit jours et peuvent être récupérées par leurs propriétaires.